Dans le petit monde du jeu vidéo, quelques français ont su imposer leurs créations et ont contribué à l'émergence d'une « french touch » au travers de titres tels qu'Another World, Flashback (deux jeux d'Éric Chahi), Nomad Soul (David Cage) ou encore Rayman, titre phare de Michel Ancel. Et c'est précisément sur l'une des créations de Michel Ancel que je souhaite m'arrêter aujourd'hui : Beyond Good and Evil. Sorti en 2003 sur Playstation 2, il démontre sans faillir tout le talent de son frenchie de créateur. En avant pour le test !
Le jeu nous invite à suivre les aventures de Jade, une photographe vivant avec son oncle porcin Pey'j et des orphelins sur la planète Hillys. Leur vie s'écoulait paisiblement jusqu'à ce que les terribles Domz ne décident d'envahir la planète, contraignant les Hilliens à se réfugier derrière les Sections Alpha, une puissante armée assurant leur sécurité. Des rumeurs courent pourtant sur la loyauté des Sections Alpha, répandues par le réseau résistant clandestin Iris...
Mais comment convaincre la population, qui place toute sa confiance en ses protecteurs ? Jade reçoit alors une mystérieuse mission, qui va l'entraîner dans une aventure qu'elle ne soupçonnait pas...
Beyond Good and Evil nous offre donc un univers fantaisiste et un scénario plus sombre qu'il n'y paraît, qui réserve son lot de rebondissements et qui se montera par moments assez triste. Mais la galerie de personnages, elle, est très amusante, et les répliques vraiment délectables. On se régalera par exemple des expressions de l'oncle Pey'j ou de l'amnésie de Double H, deux protagonistes qui accompagneront la délicieuse Jade lors de ses enquêtes. Le choix de placer un personnage féminin fragile, sans super-pouvoirs, dans un univers aussi dur et sombre va de pair avec le mode opératoire de notre belle héroïne, qui préfèrera la puissance de l'information à celle des armes.
En effet, la principale trouvaille de Beyond Good and Evil en ce qui concerne le gameplay réside en l'utilisation de l'appareil photo de Jade, qui lui permettra d'immortaliser les actes de ses adversaires et de rallier la population d'Hillys à la cause du réseau Iris. Bien évidemment, on n'échappera pas à certains combats au bâton, joliment chorégraphiés d'ailleurs, mais ils restent minoritaires, le jeu faisant la part belle à l'infiltration. Il faudra alors se faufiler dans l'ombre, à l'insu des Sections Alpha, pour progresser dans les vastes complexes renfermant les preuves à photographier. Le jeu offre d'ailleurs une bonne variété de salles, ce qui fait que l'on répètera rarement un schéma fixe. Il faudra souvent innover : dois-je rester discret jusqu'au bout ou créer une diversion au moyen du lanceur de gyro-disques, ou dois-je neutraliser le garde d'un coup dans le dos, pour être tranquille ? En outre, les niveaux à arpenter regorgent de mécanismes divers et variés, qu'il faudra souvent résoudre en compagnie de notre binôme, qui nous est complémentaire en de nombreux points.
Si l'histoire principale est finalement assez peu dense, et sera complétée sans mal, le jeu brille surtout par sa profusion de quêtes secondaires. Comme dit plus haut, il faudra par exemple répertorier toutes les espèces animales d'Hillys (et certaines sont bien cachées !), ou encore participer à des courses d'hovercraft, remporter un mini-jeu de palet, poursuivre des bandits dans leurs grottes (toujours au moyen de l'hovercraft, moyen de transport de prédilection de nos héros), piller des entrepôts des Sections Alpha (toujours le plus discrètement possible) puis fuir au cours d'une course-poursuite riche en adrénaline... Toutes ces quêtes nous permettent de gagner des perles, précieux sésames que l'on échangera contre des améliorations de l'hovercraft, indispensables au bon déroulement de notre aventure. La variété est donc de mise, et fait plaisir à voir.
Je l'ai dit précédemment et je me fais une joie de vous le rappeler : l'univers de Beyond Good and Evil est très réussi. Qu'il s'agisse des environnements traversés ou du level design des différents complexes à explorer, on entre sans problème dans ce monde à part, aux habitants hybrides mi humains mi animaux. On pourra cependant se plaindre que la taille d'Hillys soit aussi réduite : même s'il y a beaucoup à ce faire sur ce terrain de jeu, notre aventure se limite finalement à quatre ou cinq environnements-clés, guère plus. Abordons brièvement l'aspect technique du jeu, très réussi au niveau de personnages, et un peu moins convaincant en ce qui concerne les décors. Ajoutons à nos doléances une caméra parfois capricieuse, nuisant au confort du joueur à de nombreuses reprises. À noter que le jeu a récemment bénéficié d'un remake HD, sorti sur X360 et PS3, pour un rendu tout à fait sympathique.
Mais s'il y a bien un point qui prime sur les autres, et qui contribue plus que jamais à faire de Beyond Good and Evil une réussite vidéoludique, c'est bel et bien sa bande-son. Le jeu est doté de compositions extrêmement réussies, collant tout à fait à l'ambiance des niveaux traversés (et des ambiances différentes, il y en a, de l'infiltration discrète aux courses déjantées) et restant, pour certains thèmes, dans la mémoire du joueur une fois la console éteinte. Cette soundtrack tantôt lyrique, tantôt festive est une petite pépite que je ne peux que vous conseiller de (re)découvrir, d'autant plus qu'elle est offerte sur le site officiel du jeu. Courez-y ! En sus de cette bande-son d'exception, le jeu est intégralement doublé en français, pour un résultat globalement convaincant. Certaines voix sont de franches réussites (celle de Pey'j pour ne citer qu'elle), tandis que d'autres sont un peu en retrait. C'est, à mon sens, le cas de la voix de la ravissante Jade, pourtant personnage principal du jeu. Le doublage, assuré par la non moins ravissante Emma de Caunes, manque parfois d'un peu de conviction. Mais dans l'ensemble, on apprécie réellement les dialogues et leur humour, laissant parfois place à des moments plus mélancoliques qui décrocheront sans doute une larmichette à certains.
Après avoir décortiqué chaque aspect du jeu, passons maintenant à mon avis général sur Beyond Good and Evil. Certes, le jeu d'Ubisoft ne manque pas de qualités, à commencer par son univers à la fois enchanteur, mais finalement très mature, permettant au scénario d'aborder des thèmes plus graves comme l'oppression d'un régime, les orphelins ou la mort. Autant de sujets parfaitement traités, ni survolés ni versant dans le pathos. De plus, le jeu propose un gameplay intelligent et original, dans lequel l'information prime sur la violence, et l'infiltration sur le combat. Si passer la majorité de son temps à se cacher du regard de l'ennemi peut se montrer frustrant, on finit par tomber sous le charme de ce parti-pris. On pourra en revanche se plaindre d'une durée de vie vraiment juste, qui ne dépassera pas les dix heures même en complétant les quêtes secondaires, et d'un environnement assez étroit, manquant de lieux à explorer. On reste finalement sur sa faim, car si Beyond Good and Evil ne manquera pas d'ébahir le joueur par son ambiance, son gameplay, sa bande-son ou son contenu vraiment intéressant, il s'achève bien trop vite et fait davantage figure de galop d'essai en vue d'un second épisode qui, s'il traîne à se dévoiler, s'annonce d'ores et déjà exceptionnel !
Si certains ne manqueront pas de considérer les aventures de la belle Jade comme le chef d'oeuvre de Michel Ancel (à ceux-ci je répondrai d'aller voir du côté de Rayman avant de s'emballer), reconnaissons que le Français nous livre là un excellent jeu, une vision du jeu vidéo à laquelle on n'est pas habitués, et qui se présente presque comme un pied de nez aux jeux violents, en un mot : un jeu intelligent.
Ma note : 15/20
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