Jeu vidéo et Biologie - Stickology

- la Science du Jeu Vidéo, par Aurionis

[Test] Harvest Moon : a Wonderful Life (Gamecube)



NB : avant d’entamer la lecture de cet article, lancez l’entêtant thème principal du jeu ci-dessous, Breeze, qui résumera à la fois l’ambiance du titre de Natsume et mon état d’esprit le concernant.



Harvest Moon, a Wonderful Life : les joies simples

Parmi les sensations les plus excitantes que m’ait offertes le monde du jeu vidéo, il y a l’attente insoutenable d’enfin pouvoir lancer un jeu, alors que celui-ci trône sur une étagère à laquelle on n’accèdera que plusieurs semaines plus tard. Eh oui, grandes vacances obligent, c’était un mois chez maman, un mois chez papa. En d’autres termes : un mois de Gamecube, un mois de PlayStation 2. Et à de nombreuses reprises cette situation s’est présentée, mettant à rude épreuve mes capacités à patienter bien sagement. Dire que j’ai attendu le jeu chroniqué dans les lignes qui suivent tient de l’euphémisme. À dire vrai son manuel m’a servi de livre de chevet tout un mois d’été, si bien que j’avais la sensation d’avoir tout appris du jeu avant même de le glisser dans ma console. Le temps écoulé entre la découverte de Harvest Moon : a Wonderful Life dans les pages d’un magazine et le jour où j’ai enfin pu y accéder n’a été qu’une longue et continue progression de cette incroyable hâte envers un titre qui, en quelques phrases et deux screenshots, avait su m’envoûter et me promettre les bonheurs simples d’une vie de fermier virtuelle. Il fait partie de ces quelques titres à qui je pardonne tous leurs défauts tant l’expérience intra et extra-ludique qu’ils m’ont procuré valait le détour. Soyez donc prévenus que le Aurio de 2004 habitera chacune des phrases de ce test d’un jeu globalement sympathico-anecdotique, mais inestimable à ses yeux.



À la mort de son père, le héros de Harvest Moon : a Wonderful Life hérite d’une ferme, et bien qu’il soit citadin et peu rompu aux exigences d’une vie de fermier, il quitte tout pour reprendre l’exploitation. Aidé dans sa tâche par Takahara, l’associé de toujours de son papounet, il devra faire prospérer la ferme, développer son activité et se faire une place parmi les habitants du village. En effet, Harvest Moon n’est pas qu’une simulation de vie agricole mais mise aussi beaucoup sur le côté social en nous installant dans une petite ville coincée entre la mer et les montagnes, et peuplée de personnages aux caractères bien différents. Il faudra donc composer avec des excentriques, des bougons ou des baba-cools, avec qui se lier d’amitié sera synonyme de cadeaux et autres récompenses qui trouveront leur intérêt à la ferme. Les interactions sociales ont beau se limiter au strict nécessaire (papotage, cadeaux et commerce), elles donnent au jeu une profondeur supplémentaire qui donne envie de s’y replonger régulièrement, pour retrouver de vieilles connaissances. En vrai petit simulateur de vie, a Wonderful Life égrène le rythme lent des saisons puis des années et voit notre jeune héros mûrir, se marier, fonder une famille à qui il faudra un jour confier les rênes de la ferme en évitant que sa progéniture ne tourne mal. Il émane de tout cela une indéniable joie de vivre et une certaine mélancolie, quand bien même l’aspect familial est moins central que ce à quoi l’on pouvait s’attendre.



Entre deux papouilles à sa progéniture (ou, à défaut, au poulet le plus proche), le héros devra donc gérer l’exploitation familiale en partant de rien. À notre arrivée, il faut dire que la ferme a connu des jours meilleurs et manque de tout : animaux, matériel, argent… À partir de cette feuille quasi-vierge, il nous appartient de donner l’impulsion nécessaire au développement économique de la ferme : entretenir les étables, traire et soigner la vache, faucher le foin pour en faire des réserves destinées au bétail, arroser le potager… La majeure partie de la journée est consacrée à ces tâches parfois ingrates, répétitives mais tellement essentielles. Chaque oeuf, chaque légume apparaît comme une petite récompense, un pas en plus vers le prochain investissement majeur. On se surprend à s’imposer un planning quotidien qui débute par une partie de pêche aux aurores pour préparer le prochain repas, puis vaquer à nos occupations à la ferme avant de conclure la journée par la visite d’un villageois, le tout sur une musique entêtante et motivante, adorable à souhait. On prend un plaisir curieux à apprendre les caractéristiques de chaque type de graine, à ordonner son potager et à bichonner la moindre pousse. Il est d’ailleurs essentiel de garder un oeil sur le calendrier ou les émissions de télévision car, comme dit plus haut, le jeu possède un cycle de saisons auquel il faudra se plier pour planter les légumes au bon moment, mais aussi pour ne pas rater le passage hebdomadaire d’un marchand en ville (à qui l’on revendra nos surplus et qui nous proposera des outils) ou la prochaine fête du village. Chaque saison apporte avec elle son lot de surprises, et voir petit à petit notre ferme s’agrandir et accueillir de plus en plus d’animaux (vaches, moutons, canards…) est une satisfaction immense. C’est peut-être là la plus belle prouesse de Harvest Moon : sans aucun artifice et malgré le rythme lancinant de la vie à la ferme, il parvient à faire de chaque petite victoire un grand moment de cette vie virtuelle.







Plus inattendue mais non moins réjouissante, le jeu propose aussi une petite dose d’exploration et de mystère, comme une petite couche supplémentaire à gratter pour découvrir tout ce qu’il renferme. Certains habitants sont énigmatiques et il sera nécessaire de bien suivre leurs habitudes à certains moments de la journée pour y voir plus clair. Dans un recoin du village, on tombera sur des lutins malicieux qui ajouteront un peu de fantastique à notre vie routinière. En bref, bien que nos journées soient déjà bien remplies, il ne faudra pas hésiter à sortir des sentiers battus pour découvrir l’intégralité du monde du jeu, aussi condensé soit-il en apparence, ce qui est loin d’être un défaut. Ce microcosme a priori coupé du reste du monde, aux habitants au look mignon et japonisant, est un petit bonheur à parcourir et on prend un vrai plaisir à y prendre ses marques, malgré les obstacles… Car tout n’est pas rose dans la vallée, on serait même plutôt sur des tons ternes et des graphismes assez sommaires quoique toujours lisibles. Le jeu accuse quelques années de retard techniquement, moins sur GameCube que sur PS2 (ou est-ce une impression ?). Mais le principal reproche que l’on peut faire à a Wonderful Life, c’est qu’il est sorti chez nous sans une once de traduction, ce qui en fait un outil utile pour apprendre les termes techniques de la ferme dans la langue de Shakespeare, mais le rend un peu trop abrupt pour tous les petits Aurio de 2004. Que les grands de 2018 se réjouissent, car le jeu est réapparu sur Playstation 4 et peut donc à nouveau être exploré. On parle ici de la version PS2 livrée telle quelle, inutile donc de s’attendre à un quelconque remaster.



Comment expliquer que cet épisode de Harvest Moon soit aujourd’hui encore une de mes principales madeleines vidéoludiques ? Comment a-t-il pu déclencher en moi cette impulsion, cette impatience à l’idée d’y jouer qu’importe l’attente ? C’est probablement en cela que la série arrive à se démarquer : elle ne se contente pas de promettre une mise au vert, elle la permet. Sans tricher, le titre propose une expérience sincère et très humaine comme le jeu vidéo en proposait bien peu à l’époque, et c’est peut-être cela qui m’a séduit et me séduit toujours : la quiétude, le dur labeur et ses fruits (légumes, dans le cas présent) et la simplicité. D’un simple postulat de départ dans son scénario, le jeu fait du retour à la nature un idéal, et de sa naïveté naît une profonde authenticité. Malgré les années -et la concurrence d’un certain Stardew Valley- cet opus de Harvest Moon est toujours la petite bulle mignonne et rassurante qu’il était à sa sortie il y a presque quinze ans et reste, à l’échelle de la série, l’un de ses meilleurs épisodes en 3D. Un bon moment manette en main et des souvenirs plein la tête pour longtemps : voilà qui valait bien la peine de l’attendre tout un été.








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