Jeu vidéo et Biologie - Stickology

- la Science du Jeu Vidéo, par Aurionis









Nulle licence n’est plus lucrative que Star Wars. En presque quarante ans d’existence, elle a su s’imposer sur tous les plans, et l’univers des films a été décliné en une foultitude de produits dérivés. Des jouets bien entendu, mais aussi des mugs, pyjamas, grilles-pain et savonnettes aux couleurs de l’univers créé par Lucas. L’apparition de la première trilogie concordant avec l’âge d’or de l’arcade, des jeux vidéo ont bien entendu profité de ce succès, et il sort toujours à intervalles réguliers des titres de qualité variable, le dernier en date n’étant autre que Battlefront II. À nouveau chapeauté par DICE, il suit de quelques années un premier épisode plutôt réjouissant, dont la formule ne demandait qu’à être bonifiée. Mais c’est en essayant de devenir plus puissant que de raison qu’il est tentant de basculer du côté obscur, et nous allons constater que Battlefront II constitue une sacrée perturbation dans la Force...


Épisode IV : Un nouvel espoir


Battlefront II est, comme son prédécesseur, un FPS résolument orienté multijoueur dans lequel les factions historiques de Star Wars s’affrontent dans des modes de jeu somme toute classiques pour le genre. Du match à mort par équipe, de la défense de zones et autres joyeusetés, la recette est connue. Différentes classes sont proposées et customisables, pour que tout un chacun puisse ajuster son style de jeu à sa guise. Là encore, peu de surprises : une classe polyvalente, une classe de soutien, un soldat lourd, un sniper. Le système de compétences à améliorer (nous verrons bientôt comment) impose de bien penser son personnage, car seuls trois emplacements d’amélioration sont disponibles. Chaque classe peut ainsi être jouée de plusieurs façons différentes, ce qui permettra notamment une belle diversité lors du mode le plus amusant, les assauts galactiques, sortes de missions scénarisées dans lesquels une faction doit progresser en remplissant des objectifs sur des cartes se dévoilant petit à petit, et qui donnent l’impression d’être plongé au coeur des films (cette sortie sur Crait était inoubliable !). Un mode varié et très réussi qui procure à la fois le fun attendu d’un jeu multi et la dose de fan service intrinsèquement liée à une telle licence. Le petit détail qui vient détacher Battlefront de la concurrence, c’est l’absence de kill streaks donnant droit à des bonus. Ici, les compétences se rechargent toutes seules et les bonus s’obtiennent en marquant des points, soit en tuant des adversaires soit en jouant l’objectif. Une manière de favoriser le jeu en équipe, pour que les moins bourrins y trouvent aussi leur compte. Ces points peuvent être dépensés en cours de partie pour utiliser un vaisseau, une unité plus puissante voire même un héros, et ce jusqu’à notre prochaine mort.


Star Wars oblige, il est également possible de s’adonner à des dogfights spatiaux en prenant place dans des vaisseaux emblématiques de la saga, ou bien encore de se battre en n’utilisant que les héros que propose le jeu, sélectionnés parmi les plus représentatifs des trois trilogies… ou presque. Si un beau roster de héros est présent, avec quelques icônes (Luke, Han, Dark Vador, Yoda, Kylo Ren et j’en passe), certains choix laissent de marbre. Bossk, vraiment ? Pourquoi le Capitaine Phasma ? Ce genre de choix fait amèrement regretter l’absence de figures appréciées des fans, comme Qui-Gon Jinn ou Obi-Wan Kenobi.

Faute de proposer la meilleure panoplie de héros possible, le jeu tente néanmoins d’en introduire de nouveaux via un mode solo dans lequel on n’incarne non pas Han (j’adore l’humour) mais Iden Versio, membre d’une unité d’élite de l’armée impériale dont les convictions seront remises en cause au gré de ses aventures, prenant place immédiatement après l’épisode VI. Ce mode histoire conséquent sans s’étirer inutilement (compter huit heures environ) a le mérite d’offrir une histoire intéressante, bien incluse dans la mythologie Star Wars sans la dénaturer, et de proposer un personnage principal féminin plutôt bien écrit que l’on prend plaisir à suivre sur plusieurs décennies. On ne quittera Iden que lors de quelques chapitres dans lesquels on campera Luke, Han, Leia et consorts -pas forcément les plus amusants du reste.


De façon générale, quelque soit le mode de jeu l’ambiance propre à la saga est parfaitement respectée, tant dans les maps que dans l’intensité des combats. Toute cette immersion repose en grande partie sur l’incroyable réalisation du jeu, qui fait honneur tant à la série qu’à la génération de machines auxquelles il est destiné. Tout est beau, les détails foisonnent et les personnages sont reconnaissables du premier coup d’oeil. N’oublions pas de mentionner l’habillage sonore si caractéristique de la saga. C’est bien simple, jamais un jeu Star Wars n’aura su proposer une plongée aussi crédible que celle-ci dans son univers. Tout n’est pas parfait, car un tel fourmillement de détails nuit forcément un peu à la visibilité, et certaines unités bien trop sombres ne ressortent pas dans des environnements boisés ou nocturnes (tandis que les Troopers, inlassablement blancs, sont des cibles de premier choix…), mais la copie est globalement assez bluffante. Résumons : des modes de jeu bien fichus, un univers captivant fidèlement retranscrit, un mode solo plaisant… Tiendrait-on là l’expérience Star Wars ultime ? Ce serait le cas sans un grand, un immense défaut, une faute professionnelle dont vous avez forcément suivi les déboires. Car l’Empire d’EA ne s’est pas bâti sans argent, et l’éditeur semble compter sur vous pour l’en abreuver.


Épisode V : L’Empire contre-attaque

“Les crédits républicains ne feront pas l’affaire.”

Watto voyait juste, puisque les microtransactions proposées par Battlefront II exigent bel et bien des euros sonnants et trébuchants. Pour mieux comprendre en quoi le système dépasse les limites, il faut revenir sur le mécanisme de progression des classes disponibles en multi. Les compétences de chaque classe sont représentées par des cartes de différents niveaux de puissance, qui correspondent à autant d’améliorations à apporter. Ces cartes peuvent être améliorées moyennant un important investissement en crédits, que l’on obtient en jouant ou -comme il était prévu à l’origine- en argent bien réel, investi dans des lootboxes, une pratique de plus en plus répandue et polémique. Chaque lootbox contient des items aléatoires, aussi est-il impossible de savoir dans quoi part l’argent utilisé. Et c’est ce côté hasardeux, couplé aux déséquilibres conséquents qu’il apporte aux parties multijoueurs, qui a valu au jeu l’ire d’une grande partie des joueurs, et ce bien avant sa sortie. De la même façon, certains héros ne se débloquent qu’en les achetant contre un montant astronomique de crédits. Honteuse sur le papier, l’idée démontre tout son côté obscur une fois en jeu où chaque partie voit se côtoyer ceux qui résistent encore et encore à l’envahisseur, et ceux qui bénéficient de classes surpuissantes suite à un investissement dans la boutique. Les affrontements, complètement déséquilibrés, rendent la pratique du jeu des plus déplaisante. Pour un titre qui mise tout sur le multijoueur, voilà qui fait tache.

Les joueurs se sont heureusement fait entendre, via une campagne d’une intensité et, osons le dire, d’une violence verbale assez rares. L’utilisation d’argent réel a été retirée en catastrophe au moment de la sortie du jeu, accompagnée de la promesse d’un système remodelé et plus juste. Seule la possibilité d’échanger ses crédits acquis en jouant contre des personnages ou les fameuses lootboxes a été conservée dans l’entretemps. Une première victoire de la Résistance contre l’Empire, assommé par la mauvaise réputation de son jeu avant même sa sortie. Il ne restait plus aux développeurs qu’à regagner la confiance des joueurs afin de laver l’honneur d’un jeu auquel peu d’autres reproches que ceux portant sur son système de progression pouvaient être faits.



Épisode VI : Le retour du Jedi


Pendant plusieurs mois, ce status quo a perduré, laissant le temps aux joueurs les plus acharnés de profiter des lootboxes et de leur contenu aléatoire. Six mois après la sortie du jeu, et après quelques mises à jour d’envergure, il est temps de faire le bilan et force est de constater que Battlefront II est enfin le jeu auquel il aurait dû ressembler à l’époque. Finies les lootboxes, dont le contenu n’est désormais plus que cosmétique, la progression se fait désormais en jouant et en faisant gagner des niveaux à chaque classe. Chaque niveau offre un point de compétence à utiliser pour augmenter l’une des capacités, certaines ne se débloquant qu’à partir d’un certain niveau. Un système moins révolutionnaire, emprunté aux RPG, mais plus juste et qui aurait permis un jeu plus homogène s’il avait été présent à l’origine. Car si l’on peut évidemment saluer l’effort fait pour rééquilibrer les parties, le mal est déjà fait et certains joueurs très puissants ont profité à temps de l’ancien système, gardant une avance considérable sur les joueurs plus occasionnels. Le matchmaking n’aide pas vraiment à répartir les joueurs de même niveau entre eux, et l’écart de points entre coéquipiers est parfois colossal. 

Néanmoins, avec un peu de confiance et d’optimisme, on devine que le niveau va tendre à s’équilibrer au fil des mois, à la faveur d’une communauté élargie. Le studio semble y mettre les moyens, car des événements et modes de jeu limités dans le temps font régulièrement leur apparition. Certains, comme la chasse Ewok, s’avèrent réellement réussis car s’affranchissant des déséquilibres susmentionnés, et complètent joliment le contenu du jeu. Ainsi, après plusieurs mois difficiles et au prix d’un suivi que l’on imagine conséquent, Battlefront II est enfin digne d’intérêt et peut se montrer sans honte. Il aura suffi d’une saga homérique pour que cela arrive.














Comme le disait GLaDOS, “there is research to be done on the people who are still alive”. La recherche scientifique s’intéresse de plus en plus au jeu vidéo et ses effets sur nous, il suffit de se rendre sur PubMed pour constater que de nombreuses publications concernent ce loisir désormais bien ancré dans le quotidien (Figure 1). Les domaines que couvrent ces recherches sont étonnamment vastes, allant des sciences du comportement à l’intelligence artificielle, voire aux vertus médicales du gaming. Bien peu de ces études parviennent aux oreilles du grand public, car difficiles d’accès ou trop opaques. La barrière de la langue constitue elle aussi un frein. Dans cette série d'articles, il sera question de décortiquer ces publications pour mieux en appréhender les résultats, tout en gardant le recul et les précautions nécessaires : les résultats présentés dans ces articles ne sauraient être considérés comme une vérité absolue, et je ne possède pas forcément tout le bagage demandé pour apporter des conclusions exhaustives. Cela ne nous empêchera pas d’apprendre des choses, j’en suis certain. En avant pour cette première présentation !