Jeu vidéo et Biologie - Stickology

- la Science du Jeu Vidéo, par Aurionis

Ce test a été publié en janvier 2010 sur jeuxvideo.com. Je vous le livre tel que je l'ai écrit, sans les éventuelles modifications apportées par le site. J'ajoute que ce n'est pas le test dont je suis le plus fier, et que si j'en avais l'occasion, je le réécrirais en mieux !

Dès les premières minutes, certains jeux semblent nous promettre des aventures incroyables, des quêtes épiques, riches, palpitantes... Vous l'aurez compris, The Legend of Zelda : Link's Awakening fait partie de ces jeux-là.

La mer est très agitée mais Link, debout sur son frêle esquif, tient bon. Malgré son courage, il ne résiste pas à une vague immense qui lui fait perdre connaissance. C'est ainsi que débute votre aventure ! Link s'est échoué sur une île inconnue, et le seul moyen de renter à Hyrule sera de réveiller le Poisson-Rêve, endormi dans un oeuf géant trônant au sommet de l'île. Ici, pas de princesse à sauver, ou de royaume à délivrer du mal, votre objectif sera de réunir 8 instruments de musique afin de quitter l'île Cocolint. Si le scénario diffère de ce que propose habituellement la saga, les mécanismes qui font le succès de la série sont bien là : des personnages hauts en couleur, des objets à récupérer dans les donjons, le tout porté par une bande son enchanteresse.

Vous voyagerez donc à travers toute l'île Cocolint dans le seul but de récupérer les instruments disséminés dans les différents donjons. Le principe donjon-voyage-donjon pourrait se montrer répétitif si vos trajets n'étaient pas rythmés par diverses quêtes allant de la promenade de Chomp-Chomp à l'escorte de fantôme. Si les voyages à travers Cocolint sont pleins de surprises, les donjons ne sont pas en reste : énigmes, boss de mi-niveau, trésors... sans oublier les traditionnels boss finaux ! La vue en 3D isométrique cède parfois sa place à une vue de côté, à la manière d'un «Mario», l'occasion pour Link de s'adonner aux joies de la plate-forme. Vous pourrez également chercher les quarts de coeur éparpillés à travers l'île, faire du troc et même pêcher. Comme si tant de réjouissances ne suffisaient pas, vous pouvez vous amuser à retrouver les nombreux easter eggs que contient le jeu !

Votre aventure vous amènera à traverser de nombreux environnements : la plage, les marais, les montagnes rocheuses... Au premier coup d'oeil, vous devinez où vous vous trouvez : les graphismes sont des plus réussis. Toutes ces régions sont infestées de monstres, eux aussi superbement modélisés. Les combats contre les boss, souvent trois fois plus grands que Link, sont l'occasion d'admirer des adversaires imposants et détaillés. On en oublierait presque le combat !
L'ambiance sonore du titre est tout simplement excellente. Chaque zone possède son propre thème, toujours réussi. On retrouve quelques thèmes récurrents de la série comme celui de la plaine d'Hyrule. Les plus curieux d'entre vous sauront sans doute débusquer la célèbre chanson de Totaka !

Diriger Link est un régal, vous n'aurez aucun mal à utiliser les différents objets récupérés dans les donjons. Quelle que soit la situation, vous aurez toujours dans votre inventaire de quoi vous tirer d'affaire. A noter qu'en plus de ces objets, quelques bonus vous sont parfois octroyés : le fragment de puissance rend vos attaques surpuissantes, le gland vous protège des attaques ennemies. Vous pourrez interagir avec pratiquement tout : libre à vous de soulever un rocher pour le lancer sur un Moblin ou d'utiliser votre bouclier pour déplacer un oursin !




En plus de toutes les qualités citées précédemment, cet épisode a un charme tout particulier de par son ambiance poétique, onirique parfois, et son humour : les références parodiques et les personnages déjantés sont légion ! Comment résister à un tel appel au dépaysement ?


Graphismes : 16/20
Sans chercher à trop en faire, les graphismes nous plongent dans des décors variés des plus plaisants. On passe sans souci de la 3D isométrique à la vue de côté.

Jouabilité : 17/20
Simple d'accès et redoutablement efficace, la prise en main est une vraie réussite. On trouve facilement un remède à chaque situation rencontrée. Certains combats peuvent parfois se montrer un brin confus, sans toutefois poser de problème.

Durée de vie : 18/20
La quête principale est longue et variée, boucler les huit donjons du jeu vous occupera un bon moment. Comme si ça ne suffisait pas, de nombreuses quêtes annexes vous attendent ! Et pourtant, on ne voit pas le temps passer...

Bande son : 16/20
Les thèmes les plus fameux de la saga sont présents, accompagnés de musiques superbes nous immergeant avec succès dans les régions de Cocolint. Tour à tout amusante, féerique et inquiétante, elle constitue l'un des grands points forts du jeu.

Scénario : 17/20
Une aventure des plus originales, qui nous plonge dans un univers d'une infinie poésie. Si le principe de la série reste le même, et que Cocolint est finalement assez similaire à Hyrule, on se laisse emporter avec plaisir dans ce monde onirique.

Général : 18/20
Un incontournable ! Un univers fantastique, une quête longue et variée, un humour irrésistible, une bande son réussie... Passer à côté de The Legend of Zelda : Link's Awakening serait une erreur. Cette aventure à part est une véritable merveille, une parenthèse enchantée dont on ne voudrait jamais qu'elle s'arrête.
Game Story, l'exposition tactile du virtuel


Voilà ! C'est fait, ça y est, pour l'une des premières fois depuis sa naissance, le jeu-vidéo se trouve consacré au rang d’œuvre d'art, ou accède en tout cas, pour ceux qui seraient réfractaires à cette idée, au statut de culture à part entière, avec son histoire propre, son contexte spécifique, et ses grandes figures novatrices.

L'idée est en effet audacieuse : cette exposition, au sujet pour le moins moderne, se visite au cœur du Grand Palais et relève le défi de donner au néophyte un aperçu de l'histoire du jeu-vidéo, le tout au moyen de grands panneaux commentés, d'objets de collection, mais surtout de quatre-vingt jeux différents jouables sur place et librement (dans la limite des places disponibles, préférez les soirs de semaine après 19h pour éviter l'attente), qui constituent son attrait majeur.


Ce chemin ludique a pour objectif de faire prendre conscience au visiteur de l'évolution et de la progressive diversification de l'univers vidéo-ludique en le faisant naviguer d'une console à l'autre, à travers les styles, les époques, et les références culturelles extérieures qui ont influencé son développement.
De Tennis for two à l'avènement du pixel-art, des jeux de plate-forme et d'aventure, puis du développement du survival-horror et de ses sources littéraires et cinématographiques (Lovecraft, La nuit des morts-vivants...), aux jeux plus « casuals », à la haute-définition et aux écrans tactiles, en passant par un encadré sur le rétro-gaming, on obtient en peu de temps un bel aperçu de la richesse offerte par les jeux-vidéo. Cela ravira sans nul doute les plus fervents fanatiques, avec la redécouverte d'opus légendaires désormais durs à se procurer (notamment des bornes d'arcades originelles de Pong et de Space Invaders), mais plaira également aux non-initiés qui trouveront là une bonne occasion de se faire une culture et de découvrir un domaine totalement étranger grâce à une immersion directe et facile d'accès.

Un bémol cependant : le grand nombre de jeux rassemblés ne permet pas de profiter pleinement de tous leurs paramètres et le son de la plupart des postes est coupé (sauf pour les jeux de rythme, tout de même), ce qui peut frustrer certains amateurs de bandes-sons mythiques et provoquer quelques mauvaises surprises du point de vue du gameplay : « Pourquoi est-ce que j'ai pris une hache dans la tête sans rien voir venir ? D'habitude, lorsque Leon se fait repérer dans Resident Evil 4, les villageois se mettent à crier dès qu'ils le voient ! »



Informations complémentaires : http://www.rmn.fr/infos-pratiques-game-story-une

Un cycle de conférences est également organisé pour les plus passionnés : http://www.rmn.fr/atelier-et-conferences-game-story

@Cactuceratops


Peu de jeux indépendants parviennent à tirer leur épingle du jeu. Parmi ces -trop- rares élus, citons Super Meat Boy, Limbo ou encore Braid, des titres partis de pas grand chose qui, aujourd'hui, font figure de références. Mais s'il y a bien un jeu indé qui a su faire son trou au point de s'imposer comme LE must-have de ces dernières années, c'est bien Minecraft. Crée par le sympathique développeur suédois Notch, ce bac à sable géant a conquis en un temps record le coeur de millions de joueurs, alors qu'il n'était encore qu'une version beta ! Profitons de sa sortie officielle pour voir ce que vaut ce jeu désormais culte aux quatre millions d'aficionados !

Il est de bon ton de débuter ce test par un bref rappel du principe de Minecraft, mis en avant dans un mode « classic » disponible aux débuts du titre. Il s'agit d'un jeu en vue subjective dans lequel le joueur évolue dans un univers extrêmement vaste généré aléatoirement et composé uniquement de cubes. À la manière d'un jeu de Lego, il est possible d'enlever des blocs ou d'en poser, pour construire toutes sortes d'édifices, de la simple cabane au palais monumental. La liberté de création est totale et renforcée par la diversité de blocs, de nature (herbe, eau, roches) et de couleurs variées. Si Minecraft aurait pu n'être qu'un simple jeu de construction, le succès rencontré par cette première version amena à une amélioration de ce concept simple mais tellement amusant.

C'est alors qu'apparut le mode « Survie », qui comme son nom l'indique va nous inviter à survivre dans ce monde désormais hostile ! En effet, ce mode de jeu amène dans sa besace de nombreux mobs, qu'il s'agisse de gentils animaux évoluant librement sur la carte (cochons, moutons...) ou d'horribles monstres qui n'hésiteront pas à nous attaquer ! Zombies et squelettes apparaîtront à la nuit tombée, de même que les désormais célèbres creepers, et feront tout pour réduire à zéro la barre de vie de notre personnage, qui ne demandait qu'à explorer le monde et ses merveilles. C'est d'ailleurs ce qui rend le jeu si attrayant : seul, lâché en plein milieu d'on-ne-sait-où, nous allons pourtant devoir composer avec notre environnement et l'explorer. Pour se faire il nous sera possible de fabriquer divers objets via une interface de craft intelligente, objets qui nous serviront dans notre aventure. Par exemple, la pioche facilitera l'exploration des grottes, que des torches éclaireront, tandis qu'une épée nous permettra d'occire des hordes d'affreux creepers. Pour fabriquer tous ces items (dont le nombre augmente à chaque mise à jour), il faudra récolter les ressources présentes autour de nous : tandis que le bois sera transformé en planches pour notre maison, le fer sera forgé pour entrer dans la composition de nos outils. Chaque ressource a son utilité, et les très nombreuses possibilités de craft garantissent une variété d'action presque infinie !

Minecraft, comme son nom l'indique, se base donc sur le minage de ressources destinées à être utilisées pour le craft des objets. Si notre aventure ne comporte aucun véritable but (bien qu'un système d'achievements soit de la partie), il faut bien se rendre compte que c'est au joueur de fixer ses propres objectifs. Ainsi, untel décidera de s'enfoncer toujours plus profond dans les entrailles de la terre afin de récupérer des minerais toujours plus rares, tandis qu'un autre s'axera davantage sur la construction de bâtiments titanesques et imprenables par l'ennemi. Toujours soucieux d'apporter une liberté d'action totale, le jeu est régulièrement enrichi de telle sorte qu'il y a toujours quelque chose à faire, de la plus insignifiante cueillette de fleurs à la découverte de villages perdus au milieu de nulle part. Le mode Survie est bel et bien au cœur du titre de Mojang, mais s'il vous vient l'envie de construire, sans prise de tête, un mode création est également présent et vous propose différents outils pour profiter pleinement de toutes les possibilités de création qui s'offrent à vous. En jouant avec les éléments, les formes, les couleurs et les différents systèmes de pistons, de boîtes à notes ou de circuits de redstone (parfois de véritables circuits électroniques !), vous pourrez créer des bâtisses spectaculaires !

Mais à quoi bon explorer, miner et bâtir si personne ne le voit ? C'est ici qu'entre en jeu le mode multijoueurs, qui vous permettra de créer ou rejoindre une communauté de joueurs désireux de vire l'aventure Minecraft à plusieurs. À vous les constructions de vastes cités, l'exploration à plusieurs de grottes sans fond ! Loin de n'être qu'une simple manière de partager son aventure avec des amis, ce mode est un véritable petit MMORPG, avec son système de tchat, ses serveurs aux règles définies et ses mods spécifiques (monnaie, guildes...). Et c'est cet aspect communautaire qui fait le succès de Minecraft ! Les constructions s'exhibent, se partagent, des cartes monumentales sont mises à disposition des joueurs, des mods en pagaille ouvrent davantage de possibilités, des packs de textures par centaines permettent de donner au jeu l'apparence de son choix... Minecraft assume pleinement son rôle de « jeu vidéo 2.0 » et mise donc sur une expérience de jeu customisable à souhait et sur le partage, un choix payant qui lui vaut une communauté fidèle et sans cesse grandissante !

Abordons maintenant l'aspect graphique du titre de Mojang, très particulier. En effet, proposer au joueur d'évoluer dans un univers uniquement constitué de cubes entraîne forcément quelques concessions en la matière. Ainsi Minecraft arbore une esthétique assez sobre pour ne pas dire simpliste, aux gros pixels apparents et aux angles résolument droits. Mêmes les différents mobs rencontrés sont constitués de cubes (les poules carrées plairaient sans doute à l'Onc' Picsou) ! Il en va de même pour l'interface, à l'esthétique rétro pas désagréable. Minecraft préfère donc la lisibilité à la prouesse technique, et force est de constater que l'ensemble revêt un charme certain, tant certaines bâtisses en imposent malgré ces carences techniques. Les graphismes, bien qu'ils soient particulièrement adaptés à un tel jeu ne conviendront sans doute pas à tout le monde, fort heureusement les packs de texture remédient à cette austérité graphique. Quant à la bande-son, elle se fait très discrète, préférant l'immersion et la solitude des grands espaces à un capharnaüm musical qui n'aurait pas sa place dans un tel jeu. Quelques compositions de l'artiste électro C418 viennent égayer de temps à autres nos aventures, mais dans l'ensemble seuls les bruits de notre environnement résonnent dans nos oreilles cubiques, ce qui au passage s'avère bien pratique pour détecter la présence de monstres. Ce silence oppressant devient alors un élément de gameplay à part entière.

Voici qui conclut ce test de Minecraft, une expérience jusqu'alors inédite dans le monde du jeu vidéo ! Rarement un jeu n'aura laissé au joueur autant de liberté, autant de possibilités de création. Sous l'aspect minimaliste du titre de Mojang se cache un gameplay redoutable d'efficacité, dont les bases s'acquièrent en quelques minutes mais qui réserve toujours son lot de nouveautés et de surprises. On peut donner bien des noms élogieux à Minecraft : bac à sable ultime, OVNI, jeu vidéo 2.0 dans sa forme la plus pure, le jeu ne peut laisser indifférent et propose une personnalisation telle que chacun y trouve son compte d'une manière ou d'une autre. Il prouve qu'avec une allure simpliste , il est possible de proposer l'une des expériences les plus rafraîchissantes de ces dernières années, le tout pour un prix modeste. Jouer à Minecraft, c'est entrer dans un monde où les seules limites sont celles de l'imagination, et dont on ressort forcément grandi.

Ma note : 17/20
Rayman Origins


Attendu comme le messie par de nombreux fans, Rayman s'apprête à faire son grand retour sur nos consoles ! Rayman Origins, le jeu de plates-formes vedette de cette fin d'année, n'a jamais été aussi proche de sortir, et comme pour mieux nous mettre l'eau à la bouche, Ubisoft met à notre disposition une démo. Premières impressions sur le come-back de Rayman !

Le premier des trois niveaux de la démo nous plonge dans une forêt verdoyante. Si, par défaut, on contrôle Rayman, il est possible de choisir notre personnage favori parmi les quatre que propose le jeu : en sus de notre héros, on retrouvera également Globox, son ami de toujours, ainsi que deux Ptizêtres. Ces quatre protagonistes se jouent de la même façon, et ce premier niveau est une bonne occasion de découvrir le gameplay de Rayman Origins. On retrouve les capacités phares de Rayman : notre héros peut sauter, planer en se servant de ses oreilles comme d'un hélicoptère, frapper, et sprinter, un mouvement qui lui permettra de courir sur des surfaces verticales pendant un court instant. Couplées à divers éléments du décor (lianes, plantes rebondissantes, etc), ces habilités promettent de bons moments qui rappelleront des souvenirs aux aficionados du premier épisode, qui retrouveront avec bonheur les ennemis qu'ils avaient tatanés à l'époque. Une fois frappés, les ennemis gonflent et s'élèvent dans les airs. Il est alors possible de les frapper à nouveau, ou de s'en servir pour rebondir, une bonne idée qui trouvera sans doute de nombreuses applications originales.


Lors de son aventure, Rayman amassera des lums jaunes, éparpillés un peu partout, et qui n'apparaîtront parfois qu'après avoir marché sur des plantes. Mais son véritable défi sera de briser les cages retenant ses amis Electoons prisonniers, tout comme dans le premier épisode. Parfois bien cachées, ces cages ne seront accessibles qu'après avoir relevé un petit défi consistant, dans la démo en tout cas, à éliminer les adversaires qui gardent la cage. Dans le premier niveau, l'un de ces tableaux parodie allègrement Angry Birds, un clin d'oeil comme il en existe apparemment beaucoup d'autres dans le jeu (on pense notamment à la phase inspirée de Tétris présentée à l'E3). À la fin de chaque niveau, le décompte des lums jaunes est fait, et si le joueur en a récupéré assez, il peut remporter davantage d'Electoons. De plus, revenir à un niveau déjà terminé permet de lancer un mode contre-la-montre. En battant le chrono établi, un nouvel Electoon nous est offert. De quoi rembourrer la durée de vie du titre, qui devrait déjà se montrer des plus satisfaisantes, puisqu'Ubisoft annonce une soixantaine de niveaux.

Une fois le premier niveau achevé, on se lance dans le second, qui change radicalement d'ambiance en optant pour une cuisine où le rouge domine. Ce niveau se déroule à dos de Moskito et se joue comme un shoot'em up, pour un rendu plutôt réussi. Notre monture peut avaler les ennemis pour les recracher, ou tout simplement tirer. Le niveau, dans lequel certaines références sont finement dissimulées (un cri de Wilhelm que les cinéphiles connaissent bien, et de plus en plus présent dans le jeu vidéo), se conclut par un boss au-dessus de l'eau bleutée de l'océan. Un air de Rocket Knights Adventures pas désagréable ! Le troisième niveau de la démo est entièrement consacré au maniement de Rayman sous l'eau. Après quelques obstacles que l'on apprend à éviter, les choses sérieuses commencent puisque notre héros est poursuivi par deux murènes ! Il faudra donc agir vite et bien pour ne pas se faire rattraper par nos poursuivants, et finalement accéder au boss du niveau. C'est malheureusement à ce moment-là que la démo prend fin, mais quel pied on a pris !


Les nouvelles aventures de Rayman se présentent comme un retour aux sources et sont très prometteuses ! La 2D est magnifique, très colorée, et les animations de nos héros bien ficelées. Les contrôles sont simples à assimiler et conviendront tout à fait aux novices, qui découvriront le titre via le mode multijoueurs, dans lequel deux à quatre joueurs devront coopérer à travers les niveaux. Notre héros répond bien, et l'ensemble est très fluide et souple. Peut-être un peu trop d'ailleurs, puisque le contrôle de nos chutes n'est pas toujours très précis, et que les phases sous-marines nécessitent un petit temps d'adaptation. Des défauts légers, qui finissent malgré tout par coûter de nombreuses vies, heureusement en nombre infini. S'il fallait trouver un autre défaut à Rayman Origins, j'irais chercher du côté de la bande-son. Entendons-nous bien, elle est d'une qualité globale tout à fait convenable, puisant son inspiration tant dans les anciennes aventures de Rayman que dans les sonorités hispaniques (niveau 2 de la démo). Mais des petites voix amusantes interviennent très fréquemment, des voix distordues proches de celles des célèbres chipmunks. Rapidement agaçantes, ces voix sont la seule ombre venant ternir l'aspect musical du titre d'Ubisoft.


Finalement, cette démo m'a vraiment emballé. Retrouver Rayman dans une grande aventure en 2D est un vrai plaisir. Le jeu, dont le principe rappelle immanquablement Donkey Kong Country Returns, et le multijoueurs New Super Mario Bros Wii, puise un peu partout son inspiration pour assurer une belle variété et de nombreux clins d'oeil à l'univers du jeu vidéo. Le jeu mise sur le fun, et l'ambiance festive et colorée n'y est pas pour rien. Le level design est tout à fait convaincant, et j'ai d'autant plus hâte de voir ce que donne la version finale du jeu !
Si vous êtes encore sceptiques, voici trois raisons pour lesquelles Raymans Origins est d'ores et déjà un jeu de plates-formes incontournable...

1) Parce que c'est le retour de Rayman ! Apparu au siècle dernier dans un jeu tout en 2D, notre héros est vite passé au standard de l'époque, la 3D, dans une seconde aventure inoubliable (mon petit coeur de gamer palpite rien qu'à l'évocation de Rayman 2 !). Un troisième épisode des plus sympathiques a vu le jour en 2003, de même que quelques spin-off de qualité variée. La sortie de la Wii en 2006 voit arriver une nouvelle aventure de Rayman, qui affronte des lapins bien crétins dans un party-game déjanté. Des bestioles attachantes qui volent la vedette à notre héros et l'éclipsent totalement de la scène vidéoludique ! Enfin débarrassé des Lapins Crétins, Rayman revient donc en force, et avec son ami Globox qui lui aussi manquait à bien des joueurs !

2) Parce que le jeu est un pari osé : à une époque où la 3D règne sans partage ou presque, sortir un jeu de plates-formes en 2D est souvent présomptueux. Seulement voilà, Rayman Origins a de sérieux atouts de ce côté-là ! Très coloré, proposant un univers amusant et un gameplay solide, le jeu s'annonce comme un retour aux origines pour notre héros. On se souvient tous de sa première aventure, elle aussi en 2D, dont les qualités restent aujourd'hui encore indiscutables !

3) Parce que Michel Ancel ! Le créateur de la série en reprend les rênes après plusieurs années passées sur d'autres projets. Et quels projets ! Beyond Good and Evil, sorti en 2003 et réédité récemment sur consoles HD, démontre à ceux qui en doutaient encore que le Frenchie est un game designer des plus talentueux, tandis que sa suite est l'un des jeux les plus attendus de ces dernières années ! Le papa de Rayman aux commandes de sa nouvelle aventure, c'est pour le moins un gage de qualité !


Créée en 1989 par Jordan Mechner, la série Prince of Persia fait sensation à chacune de ses apparitions. Négociant habilement son passage à la 3D pour nous livrer une trilogie des Sables du Temps mémorable (à la différence de l'adaptation cinématographique qu'elle a engendrée), le Prince tente une première incursion sur consoles HD en 2008 avec une toute nouvelle aventure. Exit les sables du temps, Farah, et le Vizir, cet épisode s'annonce comme un mini-reboot qui risque de ne pas plaire à tout le monde. C'est l'heure du test !

De retour d'une aventure au cours de la quelle il a mis la main sur un joli pactole, le Prince perd sa mule dans le désert. Parti à sa recherche, il tombe nez à nez avec une jolie jeune femme poursuivie par des gardes armés. Libérant la belle de ses assaillants, notre héros se rend avec elle dans un temple perdu au beau milieu du désert. Là-bas, le père de notre nouvelle amie Elika réveille Ahriman, un dieu maléfique qui s'empresse de faire régner les ténèbres sur le monde. Il incombe alors au Prince et à Elika de rétablir la lumière sur ces terres désolées, en purifiant les différentes Terres Fertiles dispersées à travers le royaume. Sur leur chemin, ils braveront mille dangers et rencontreront les êtres tourmentés ayant vendu leurs âmes à Ahriman...

Si les précédentes aventures du Prince étaient linéaires, celle-ci innove et propose un univers ouvert que l'on explorera à notre guise. Pour faire simple, la carte est découpée en quatre zones de six niveaux communiquant entre elles, et possédant chacune leur architecture et leur ambiance propres. La progression au sein de ces zones ne se fait pas sans mal, et les acrobaties du Prince ne seront pas de trop ! Agile comme un chat, notre héros court, saute, escalade, s'agrippe et court même contre les murs ! On passe l'immense majorité de notre temps à utiliser toutes ces aptitudes, que le level design met savamment en valeur. Ainsi, les anneaux, poutres et plantes grimpantes sont légion, peut-être un peu trop d'ailleurs. Effectivement, passée la découverte du gameplay, on se rend vite compte que celui-ci peine à se diversifier, et que les contrôles un poil trop rigides du Prince entraînent nombre de morts stupides. Au passage, il faut savoir que dans cet épisode de Prince of Persia, il est totalement impossible de mourir au sens strict du terme. Une chute dans le vide ou un coup potentiellement fatal de la part d'un ennemi feront intervenir Elika qui, d'une main bienveillante, sortira notre héros de ce mauvais pas, et nous déposera quelques mètres avant l'obstacle. Un système qui enlève beaucoup de challenge et, malheureusement, beaucoup d'intérêt aux omniprésentes phases de plates-formes.

Si la répétitivité de ces phases finit par lasser, c'est aussi et surtout parce que chaque zone devra être visitée au moins deux fois de fond en comble ! Lors de notre première visite, notre but sera d'atteindre la Terre Fertile nichée au cœur de la zone et jalousement gardée par l'un des quatre boss, afin de la purifier. On progresse donc d'obstacle en obstacle, en évitant les nombreux pièges apportés par les ténèbres d'Ahriman. Puis, une fois la région purifiée, une nouvelle quête commence : la collecte des boules de lumières disséminées de-ci de-là. On arpente donc pour la deuxième fois la zone à la recherche de ces précieuses sphères qui, lorsque l'on en aura ramassé assez, nous permettront de débloquer l'un des quatre pouvoirs d'Ormazd, le dieu de la lumière. Ces pouvoirs magiques seront nécessaires pour atteindre certaines régions , et apportent un brin de diversité au gameplay. On aura par exemple accès à des bonds de géant d'une plaque d'Ormazd à l'autre, ou à des séquences au cours desquelles le Prince courra le long de parois verticales. Si vous tenez vraiment à compléter le jeu au maximum, il vous faudra collecter 1001 sphères de lumière, et il sera donc nécessaire de parcourir, encore une fois, les différentes régions et leurs séquences répétitives. Si le level design est convaincant, il aurait sans nul doute gagné à être plus diversifié...

Qu'en est-il des combats ? On se souvient que dans les épisodes précédents, ils étaient particulièrement nerveux et joliment chorégraphiés. Eh bien ici il faudra se contenter du minimum syndical, les affrontements sont très rares ! Ce reboot de la franchise fait la part belle à la plate-forme et ne propose pour ainsi dire aucun ennemi : il faudra se contenter de quatre boss, combattus six fois chacun, et d'un ennemi de base apparaissant de temps à autres. C'est tout. Et le système de combat n'est pas des plus convaincants... Chaque touche de la manette est attribuée à une action : attaque à l'épée, attaque avec la griffe du Prince, attaque avec Elika, saut (ou pas de côté) et défense. Défendre au bon moment déclenche une parade qui nous permettra de contre-attaquer et de placer notre combo, le plus long possible de préférence. Si l'ensemble reste agréable à regarder, avouons que ce système n'est pas des plus palpitants. De même, malgré quelques bonnes idées (l'invulnérabilité temporaire de l'ennemi à une certaine attaque), les joutes tendent à toutes se ressembler. À noter que les combats contre les ennemis de base peuvent être évités si le Prince les frappe avant qu'ils n'apparaissent.

Le gameplay, un peu trop rigide et répétitif, ne fait donc pas honneur à ce que les épisodes précédents avaient su instaurer, et c'est bien dommage. Cependant, la principale nouveauté de cet épisode réside non pas dans son gameplay, mais bel et bien dans son aspect graphique. En effet, les personnages arborent un design réussi et détaillé, tout en cel-shading, pour un rendu très agréable. Les animations du Prince sont soignées et on savoure d'autant plus ses cabrioles. Mais la grosse claque vient des environnements que propose le jeu, absolument magnifiques ! Lorsque les ténèbres règnent, la palette de couleurs est sombre, terne, tandis qu'une fois purifiées, les différentes régions du royaume recouvrent leurs couleurs chatoyantes, permettant de véritablement apprécier la beauté des décors. Chaque zone a une identité visuelle forte, et c'est avec un immense plaisir que l'on évolue dans ces décors somptueux inspirés des mille et une nuits. Ce Prince of Persia est certainement le plus bel opus de la série, à mi-chemin entre l'artwork et le livre d'images !

Autre gros point fort du titre d'Ubisoft, sa bande-son enivrante ! Les thèmes soutiennent avec brio l'ambiance très « mille et une nuits » au moyen de sonorités orientales des plus plaisantes. Chacune de ces compositions est une invitation tantôt à l'aventure, tantôt à la flânerie dans les environnements purifiés, que l'on aurait tort de refuser ! Quant au casting vocal, il tient la route sans être mémorable. Mention spéciale au Prince, une nouvelle fois doté d'un humour cinglant et qui n'hésitera pas à blaguer dans les situations les plus sombres. Un personnage amusant et attachant, qui tranche radicalement avec celui d'Elika, la belle princesse investie d'une mission périlleuse, qui fait part de davantage de gravité. Si les dialogues imposés sont peu nombreux, il sera possible à tout moment de déclencher une petite discussion entre nos deux héros, afin d'en savoir plus sur l'univers qui nous entoure et ses différents protagonistes.

Voilà qui parachève ce test des nouvelles aventures du Prince de Perse. Une incursion sur consoles HD qui ne plaira donc pas à tout le monde. La quête est moins prenante que dans les opus précédents, le gameplay un peu plus rigide et la variété n'est pas de mise. Cependant, le jeu offre au joueur en manque d'aventure de quoi se rassasier ! Son univers oriental magnifique porté par des graphismes hauts en couleur et une atmosphère sonore fantastique ne peut pas laisser indifférent. De plus, nos héros sont très attachants. Diamétralement opposés, ils devront pourtant s'aider l'un l'autre, à la manière d'un Ico, et vaincre le terrible Ahriman. Finalement, cet épisode ne souffre que de sa répétitivité et d'un manque de challenge dommageable, mais l'aventure est si belle que passer à côté serait une erreur.

Ma note : 14/20
  Ho ho, je pense que vous ne m'avez encore jamais croisée sur ce blog, chers lecteurs, et c'est normal, car ceci est le premier article de ma part que vous lisez ! Pour annoncer les choses simplement, présentons-nous : je suis @Cactuceratops, musicologue spécialisée dans les musiques de jeux vidéo, surtout celle de Zelda et, à mes (nombreuses) heures perdues, en pokémonologie !

/!\ SPOILER ALERT /!\


Souvent considéré comme une révolution vidéoludique, et de nombreuses fois récompensé pour son scénario, ses personnages, son gameplay, et surtout la légendaire chanson le terminant, Portal premier du nom ne semble pas de prime abord briller par la totalité de ses musiques. Et pourtant, bien que certains aillent jusqu'à occulter totalement leur existence après avoir terminé le jeu, il serait injuste de ne pas leur rendre hommage, car elles s'inscrivent, avec Portal 2, dans une continuité esthétique subtilement dosée.


  1. Quelques généralités sur le jeu :

Sorti fin 2007 sur PC, XBOX 360, puis Playstation3, Portal est un puzzle-game dans lequel vous incarnez Chell, un cobaye humain de sexe féminin évoluant au sein des salles de test d'Aperture Science. Le but du jeu est de traverser cette succession de niveaux tout en résolvant les énigmes bloquant la sortie. Vous êtes pour cela secondé tout au long du jeu par un générateur de portails spatiaux permettant de défier certaines lois physiques, ainsi que par les conseils et remarques plus ou moins bienveillants de GladOS, l'ordinateur central apparemment chargé de mettre votre mental à l'épreuve.
Très vite, votre périple prend la forme d'un huis clos avec GladOS, l'ambiance tout d'abord ludique et gentiment expérimentale se dégradant petit à petit jusqu'à se transformer en une course contre la mort, au cours de laquelle vous tentez de vous échapper du complexe d'Aperture Science en évitant les pièges qui vous sont tendus.
D'une durée de vie assez courte et exploitant un vieux système graphique, Portal tire une grande partie de sa consistance du contexte dans lequel il se place : en effet, des indices semés le long des salles puis dans les couloirs du complexe vous amènent rapidement à vous questionner sur le personnage que vous incarnez. Comment est-il arrivé là ? Où mènent toutes ces salles hermétiquement fermées ? Qui se cache derrière les vitres opaques ? Le gâteau existe-t-il vraiment ? Et, finalement, que s'est-il passé dans les locaux d'Aperture Science ?
Derrière ces quelques heures de logique se cachent un scénario complexe, ainsi qu'une ambiance extrêmement dense renforcée par des musiques dont la discrétion n'a d'égale que leur efficacité sur le plan émotionnel et scénaristique. Étudions ce phénomène d'un peu plus près...



  1. L'intérêt d'une musique "discrète" :

L'une des premières choses à noter si l'on veut étudier en profondeur l'univers sonore de Portal et, oui, je parle bien d'univers sonore - ce terme étant finalement le plus approprié pour désigner la musique et plus généralement les sons de ce jeu - est la grande sobriété dont il fait preuve d'un point de vue thématique. En effet, il est très difficile de parler de "mélodies" pour la plupart de ses pistes, hormis pour un thème très particulier dont nous parlerons plus tard. En dehors de cette exception, l'ambiance musicale de Portal peut se scinder en deux catégories ayant chacune un rôle très particulier :
L'un des premiers styles musicaux auquel nous nous heurtons concerne des pistes que nous nommerons viscérales. Elles se glissent à quelques moments clés du jeu presque sans que l'on s'en rende compte et deviennent omniprésentes au cours de l'aventure. Leur méthode d'apparition furtive est très simple mais terriblement efficace : tout d'abord, elles se déclenchent dans un contexte sonore où le joueur ne prête pas attention aux bruits de fond minimes, par exemple lorsque la voix de GladOS lui donne des informations. Ensuite, n'ayant pas de mélodie propre et consistant la plupart du temps en une série de notes fixes à résonances aquatiques, dont l'évolution se distille très lentement, à la façon d'un écho, elles parviennent à ne pas être forcément perçues comme de réels sons, mais plutôt comme le renfort des sentiments qu'elles accompagnent. La hauteur figée du son, ainsi que sa tenue lisse, peuvent en fait se rapprocher d'un phénomène connu et très désagréable, l'acouphène, qui consiste, d'après le Petit Robert, en « une sensation auditive anormale qui n'est pas provoquée par un son extérieur (bourdonnement, tintement d'oreille) ». Ce genre d'illusions acoustiques, dont l'origine et la guérison restent encore assez mystérieuses de nos jours, consiste souvent en une unique note suraiguë ininterrompue, dont on ne parvient pas à déterminer le commencement et qui s'étend sur une durée indéterminée. Cela résulte parfois d'un choc auditif et/ou physique (coup de poing atteignant le tympan, déflagration provoquée par une explosion à proximité, écoute prolongée de musique à un niveau de décibels trop élevé...).
Le point intéressant dans Portal est précisément que l'une des premières musiques de type viscéral que l'on rencontre, nommée à juste titre Taste of Blood, intervient au moment, apparemment anodin, où le joueur commence inconsciemment à réaliser le très léger décalage qui transforme un simple exercice de réflexion ludique en une lutte acharnée : sa survie, seul face à une intelligence artificielle corrompue et malsaine. 

 
La musique démarre en effet au début de la salle de test n° 2 lorsque, enfermée dans un sas, attendant que s'ouvre la voie vers le fameux générateur de portails, Chell entend GladOS évoquer d'éventuels problèmes de saignements dentaires et de pertes de plombages dont se décharge Aperture Science.

Il est particulièrement intéressant de constater qu'en reliant un son et une allusion médicale, à connotation désagréable et a priori irrationnelle, les concepteurs arrivent à produire chez le joueur une sensation latente de malaise, qui ne fait que s'accentuer au fil du jeu grâce à des morceaux tels que No cake for you


Ce dernier, joué dans le niveau des tourelles au cours de la découverte de la cachette, créée par les cobayes précédents et signalée par le mot « help » tracé en rouge sur le sol, est lui aussi construit sur une série de longues notes tenues. Ce morceau se distingue de Taste of Blood de deux façons : son registre de hauteurs est beaucoup plus grave et il utilise des sons d'origine électronique facilement reconnaissables pour nous rappeler, de façon particulièrement stressante, la présence de l'intelligence artificielle meurtrière qui nous guette.


  1. Musique et mécanique :

Le deuxième style musical que nous rencontrons, nous l’appellerons splanchnique, plus parce que c'est un beau mot trop peu utilisé dans la vie courante, que parce qu'il a un réel sens dans le contexte actuel. Justifions-nous tout de même : il signifie « relatif aux tripes » dans le sens médical, donc aux vraies tripes, pas à la représentation spirituelle (viscérale) que l'on peut s'en faire.
Ce style, beaucoup plus rythmé, correspond à des moments d'action subite, urgente, ou intervient à des moments critiques du scénario. 4000 degrees Kelvin par exemple apparaît lorsque la menace se révèle dans toute sa splendeur, GladOS dévoilant sa trahison finale en jetant le joueur dans un incinérateur géant sans aucune issue possible. 

 
Si l'on écoute avec attention ce passage, on remarque que la voix humaine, pour une fois, est utilisée sans transformation apparente, le début du morceau consistant en une tenue d'accords dissonants faite par des voix d'hommes, qui rappelle un cri d'effroi.
Presque partout ailleurs dans le jeu, les sons ont en général une origine purement électronique, qui témoigne d'une volonté de ne pas imiter des sons naturels ou provenant d'instruments joués par des hommes. Cela contribue grandement au sentiment de claustrophobie et de solitude que l'on ressent au cours du jeu.
Portal et l'entourage Aperture Science ne laissent en effet pas de place à la voix humaine. Nous évoluons dans un monde entièrement robotisé et automatisé, où le seul moyen d'expression qui reste à une Chell, parfaitement muette, est d'être le symbolique grain de sable qui se glisse dans un engrenage gigantesque afin de le réduire à néant. Il peut donc sembler parfaitement logique que la notion de musicalité soit absente de ce type d'univers.

Cependant, il est étonnant de constater que la totalité des appareils électroniques rencontrés au cours du jeu s'expriment de façon chantante. Si l'on prête attention à leurs manifestations, on trouve qu'un grand soin a été accordé à leur élaboration : que ce soit les générateurs de boules d'énergie, les boules d'énergie elles-mêmes rebondissant contre les murs, le générateur de portails ou encore les divers boutons et portes, chaque objet est associé à un son significatif qui, tout en permettant au joueur de se repérer, apporte un équilibre presque musical à cet univers aseptisé. Mais les plus marquants parmi ces sons restent sans doute les voix robotisées, seules traces d'humanité dans ce monde.
En effet, si la voix de GladOS peut sembler à première vue froide et sans expressivité, elle possède tout de même des inflexions qui nous poussent à imaginer que ses paroles recèlent une once de sentiments, ou en tout cas d'intention. Ironie : plus ses expressions simulent la sympathie, plus elles se révèlent mensongères, voire meurtrières, phénomène poussé à l'extrême dans les agréables injonctions formulées par les tourelles mitrailleuses. Ces adorables petits robots meurtriers se comportent en effet comme de gentilles hôtesses et chantent véritablement leurs paroles, le registre de voix qu'ils utilisent étant situé exagérément haut. On trouve d'ailleurs des vidéos où, en exploitant un bug, on peut écouter plusieurs tourelles en même temps de façon décalée. Il est alors clair que sur des syllabes différentes, on entend des notes de hauteur définie qui, une fois associées, forment des accords justes, chose en principe impossible si l'on fait parler simultanément deux humains de façon naturelle. Ces voix contrastent avec le reste de l'univers décrit plus haut, qui industrialise véritablement le son et peut s'apparenter à ceux imaginés par les mouvements futuristes du début du XXe siècle. Leur but était d'exprimer la violence et la guerre par des représentations artistiques de la vitesse et, donc, pour ceux que l'on nommait les "machinistes", de tout ce qui était relié aux nouvelles technologies et à l'industrie mécanisée.
Dans Portal, la déshumanisation du son et la violence automatisée peuvent être interprétées de façon plus subtile encore : en utilisant volontairement des voix affables pour des robots tueurs, on en arrive non plus à un mensonge éhonté, mais à une perte, un oubli, voire une méconnaissance du sens des valeurs intentionnelles. Les tourelles ne sont pas à proprement parler vicieuses lorsqu'elles lancent leurs gentils « Bonjour ! », « Je vous ai trouvé ! » ou encore « Revenez ! ». Dépourvues du sens moral qui leur permettrait d'estimer les tâches qu'elles effectuent, elles sont tout simplement programmées pour tuer de façon affable. Dans le même ordre d'idées, GladOS, dans Portal2, assènera à Weathley qu'il a « été conçu pour être un abruti ».


  1. Et la musique mélodique dans tout ça ?

Nous y arrivons : GladOS étant à la fois l'un des personnages principaux de ce jeu, le boss de fin, et la "créatrice" de toutes les difficultés rencontrées, elle ne peut se comporter comme les autres robots. Cette sorte de HAL (2001, l'Odyssée de l'espace) au féminin, dotée de tant de processeurs qu'elle semble fonctionner comme un cerveau humain, est même capable d'ironie et peut faire preuve d'un énorme potentiel créatif qui, de nos jours, semble réalisable. Depuis quelques années, il est en effet possible de programmer des ordinateurs de façon à ce qu'ils puissent écrire de la musique (encore très simple) par eux-même, selon un schéma comprenant un grand nombre de données et de règles. Rien de très compliqué a priori pour une intelligence artificielle (Minecraft nous permet bien de générer montagnes et cascades de façon très agréable à l’œil !). Cependant, pour imiter le style de Bach, un champ de connaissances et une logique très étendus, ainsi qu'un raisonnement strictement mathématique, ne suffisent pas.
Penchons-nous donc maintenant sur la chanson qui a fait le succès de Portal, et de GladOS en tant qu'interprète : Still alive




Il s'agit de l'unique mélodie reconnaissable du jeu et elle est d'ailleurs la seule qui marque les esprits. Constitué de matériaux mélodiques, rythmiques et harmoniques très simples et assez répétitifs, comme se doit de l'être toute bonne chanson, ce final, agréablement surprenant, contraste clairement avec le reste de la bande-son du jeu. Rappelant en cela celle de Silent Hill, où quelques phrases chantées posent des mots importants sur la réalité de l'univers dont sort le joueur. Dans le cas présent, Still Alive boucle la boucle de façon magistrale, apportant à l'intrigue des nouveautés plus saisissantes encore.



Tout d'abord, le thème de Still Alive a déjà été entendu auparavant dans le jeu. Il s'agit en effet du premier son que Chell perçoit en se réveillant dans sa cellule en début de partie, en une version criarde émanant d'une radio. 


Il est possible d'appliquer une symbolique particulière aux deux apparitions de ce thème, ouvrant et fermant le jeu, en les reliant à l'évolution dramatique de ce dernier. En effet, dans nos esprits, la radio est considérée comme un lien avec l'extérieur, avec d'autres humains qui parlent, font de la musique, des débats, de la publicité. Cet objet, bien que souvent remplacé par Internet de nos jours, reste encore considéré comme un moyen de communication à grande échelle fiable en cas de problème généralisé. Que ceux qui ont déjà fait leur JAPD et n'ont pas été traumatisés par le conseil de toujours posséder une radio à piles et des boîtes de conserve, afin de pouvoir écouter les directives de l'État et survivre en cas de catastrophe nucléaire, d'attaque aux neurotoxines *gulp* ou d'invasion de zombies, lèvent la main ! Dans le cas de Portal, nous découvrons à la fin du jeu que cette rassurante mélodie grésillante, Samba Alive, a dû être en réalité composée (et interprétée ?) par GladOS. À moins qu'elle ne se soit inspirée de vieilles archives dans le but de se rapprocher de Chell et de gagner sa naïve confiance ? Quoi qu'il en soit, on réalise ainsi, au dernier moment, qu'ici l'ennemi contrôle tout, même la radio, supprimant par là-même la seule bouffée d'air frais possible. Falsification d'information et perte de repères sont alors inévitables.

On peut aisément affirmer qu'ironie et mensonge sont deux composantes essentielles des paroles de Still Alive : ce générique de fin, calme et harmonieux, situe le jeu dans un cadre aussi trompeur que le faisait la voix des tourelles. GladOS utilise un ton poli pour exprimer des idées extrêmement violentes (« When you're dying I'll be still alive/ and when you're dead I will be still alive ») et retourne en moins de trois minutes le sens de l'expression « toujours en vie ». Tout d'abord message d'espoir, Still Alive renvoie le joueur à l'essence-même de Portal : les humains servent de cobayes pour une science en constante évolution, et sont donc irrémédiablement destinés à la mort, contrairement aux ordinateurs, désormais immortels.
Cette organisation atypique de la parole chez GladOS, révélatrice d'un problème de rationalisation, prouve la dualité des personnalités qui se télescopent en elle : les différents processeurs qu'on lui a implantés la poussent à avoir simultanément des automatismes contradictoires, tels que rajouter des formules de politesse toutes faites dans chacune de ses phrases, même les plus assassines. Ainsi se développe une personnalité à part entière basée sur un amalgame de sentiments, mal gérés par cette fabuleuse intelligence artificielle.


D'ailleurs, l'écran-titre du jeu change une fois ce dernier terminé : le flou de l'image et de la musique initiales disparaît (Procedural Jiggle Bone) et laisse place au fameux remix de Still Alive et à un fond plus anecdotique qu'énigmatique, qui rassemble les principaux symboles de Portal : le gâteau, la radio, et même un téléphone rouge (mais où est le fidèle cube de voyage ?). 


La bougie sur le gâteau émet une lumière chaleureuse, qui n'est jamais utilisée dans le jeu en raison de l'éclairage au néon d'Aperture Science. La conjugaison de tous ces éléments, associée à la musique émise par la radio, donne un aspect très festif au tableau... S'agit-il d'une petite blague de GladOS pour nous rappeler que, si le jeu est terminé, les illusions et la structure subsistent ?


  1. En bref :

L'univers et la bande-son de Portal nous invitent à une réflexion sur la relation bruit/musique et sur la valeur accordée à la vie dans un monde de plus en plus automatisé, déshumanisé, voire dépersonnalisé. Cette problématique récurrente, chère à de nombreux mouvements artistiques depuis les débuts de l'ère industrielle, s'est énormément développée avec la naissance de l'informatique et le développement des jeux-vidéo. Nous en avons ici un très bon exemple : une intelligence artificielle trop riche provoque une personnalité instable et destructrice.
Pour finir sur une note culturelle un peu ancienne, voici une œuvre de 1981 créée et interprétée par Laurie Anderson, O Superman, qui vous semblera peut-être familière sous certains aspects...

 
Plus ancien encore : 2001 L'odyssée de l'espace (1968) où HAL9000, "mourant", interprète Daisy. Le choix de cette chanson n'est pas anodin, celle-ci étant la première à avoir été synthétisée par ordinateur à la fin des années 1950 : 




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